Les pieds sur terre, Lire « Abondance et liberté » de Pierre Charbonnier

mardi 15 décembre 2020, par Jean-Marie Harribey *

Dans la multitude de publications portant sur la crise écologique, je fais une place particulière à l’ouvrage du philosophe Pierre Charbonnier, Abondance et liberté, Une histoire environnementale des idées politiques (La Découverte, 2020). Un ouvrage d’une très grande densité, qui demande donc une attention soutenue, mais dont le lecteur sort enrichi de réflexions approfondies. Il ne répète pas ce que tout le monde connaît maintenant, des dégradations environnementales au réchauffement du climat, mais, dans les pas des anthropologues et philosophes comme Claude Lévi-Straus, Philippe Descola ou Bruno Latour, il propose une problématique susceptible de bousculer bien des croyances ancrées, aussi bien du côté des écologistes patentés que de leurs contempteurs. « Plutôt que l’histoire brève et continue de la prise de conscience environnementale, on écrira donc l’histoire longue et pleine de ruptures des rapports entre la pensée politique et les formes de subsistance, de territorialité et de connaissance écologique. » (p. 30).

« Il y a entre les êtres et les choses des relations de prodige ; dans cet inépuisable ensemble, de soleil à puceron, on ne se méprise pas ; on a besoin les uns des autres. La lumière n’emporte pas dans l’azur les parfums terrestres sans savoir ce qu’elle en fait ; la nuit fait des distributions d’essence stellaire aux fleurs endormies. Tous les oiseaux qui volent ont à la patte le fil de l’infini. La germination se complique de l’éclosion d’un météore et d’un coup de bec de l’hirondelle brisant l’œuf, et elle mène de front la naissance d’un ver de terre et l’avènement de Socrate. Où finit le télescope, le microscope commence. »

Victor Hugo, Les Misérables, 1862, Œuvres complètes, Barcelone, RBA, 2020, tome IV, p. 89.

La rupture société-nature

Le fil conducteur de l’auteur est le rapport que les sociétés humaines ont noué avec leur environnement et donc la Terre. Parmi elles, la société moderne a fondé un pacte, que Charbonnier nomme « libéral », entre, d’un côté, la quête d’émancipation et de démocratie, et, de l’autre, la croissance économique, ou encore entre l’autonomie et l’abondance promise par l’industrialisation. Or, en ce début de XXIe siècle, il apparaît que ce pacte est rompu. La promesse de l’émancipation ne peut être tenue sur cette base.

« Abondance et liberté ont longtemps marché main dans la main, la seconde étant considérée comme la capacité à se soustraire aux aléas de la fortune et du manque qui humilient l’humain, mais cette alliance et la trajectoire historique qu’elle dessine se heurtent désormais à une impasse. Face à elle, l’alternative qui se présente oppose parfois d’un côté l’abandon pur et simple des idéaux d’émancipation sous la pression des contraintes écologiques sévères, et de l’autre la jouissance des derniers instants d’autonomie qui nous restent. Mais qui voudrait d’une écologie autoritaire ou d’une liberté sans lendemain ? L’impératif théorique et politique du présent consiste donc à inventer la liberté à l’âge de la crise climatique, c’est-à-dire dans l’anthropocène. Contrairement à ce que l’on entend parfois, il ne s’agit donc pas d’affirmer qu’une liberté infinie dans un monde fini est impossible, mais que celle-ci ne se gagne que dans l’établissement d’une relation socialisatrice et durable avec le monde matériel. » (p. 21).

Il faut donc inventer une autre histoire, afin que l’écologie s’inscrive dans les pas du socialisme et que celui-ci retrouve l’inscription de l’écologie dans son projet. On est donc loin d’une écologie politique qui prétendrait supplanter la question sociale, et d’un socialisme qui continuerait à ignorer que les conditions de la vie humaine impliquent un rapport de « symétrie » [1] avec les non-humains. « La prise en charge collective du monde matériel se décline en effet sous trois modalités principales : subsister, habiter et connaître. » (p. 32).

Le programme de l’auteur étant posé, suivent une dizaine de chapitres qui entraînent le lecteur dans une histoire de la pensée philosophique, économique et sociologique sur la question écologique, entendue non pas comme la seule préservation de la nature, mais comme une remise en cause de la séparation société-nature. On fait ou refait connaissance avec des auteurs de l’âge classique : Hugo Grotius qui relie le droit moderne aux conceptions du territoire ; Hobbes qui théorise la protection contre l’insécurité due à la rivalité au sein des relations humaines ; et bien sûr Locke pour qui la propriété est « la continuation de la tendance individuelle à l’autoprotection » (p. 78) en même temps qu’elle représente le travail qui y est accompli, ce qui lui donne sa légitimité, sans toutefois, chez Locke, distinguer vraiment la propriété fruit du travail sur la terre et la propriété de celle-ci [2]. Mais le territoire est désormais vu « comme condition de la subsistance et comme habitat » (p. 86).

« La formule canonique de la première modernité, qui fait du partage des terres l’origine du droit, et la propriété individuelle l’institution qui capture le mieux cette opération fondamentale, donne à la politique une terre. Mais elle ne lui donne pas n’importe quelle terre, et pas de n’importe quelle façon. Cela signifie qu’elle ne le fait pas nécessairement de manière juste, et encore moins d’une manière qui soit susceptible de répondre à la vulnérabilité du monde matériel que l’on affronte aujourd’hui. Cela signifie seulement, mais ce n’est pas rien, que la raison préindustrielle admet comme élément constitutif du problème politique la spatialité et la matérialité des acteurs à la recherche de la paix. » (p. 87).

Mais, avec les physiocrates à la fin du XVIIIe siècle, « le socle terrien de cette école de pensée et la façon dont il irrigue la pensée sociale apparaîtront comme une curieuse persistance du passé, comme le vestige d’un ordre collectif encore solidaire des révolutions agricoles du néolithique » (p. 102). C’est donc avec David Hume et Adam Smith que va se forger le pacte libéral.

« L’esprit d’industrie qui se manifeste chez l’ouvrier ou l’ingénieur fait d’eux les avant-gardes d’une dynamique civilisatrice dans laquelle le bien physique et le bien moral s’enclenchent mutuellement. L’échange, qu’il fasse circuler des savoirs, des marchandises, des façons de vivre, est le foyer d’un processus où s’actualisent à la fois les facultés sensibles et morales des individus et leurs facultés pratiques, c’est-à-dire économiques. […] L’idéal social de l’opulence, pour reprendre le terme de Smith, et l’idéal épistémologique de l’économie comme science sont au moins indirectement les fruits d’une prise en compte des limites des ressources naturelles. » (p. 104 et 110).

Ainsi, Charbonnier dissèque la notion de croissance intensive car, chez Smith, « la foi dans le potentiel contenu dans la division du travail tient en effet à cela qu’elle doit permettre de faire mieux avec une quantité de biens initiaux relativement stable, ou en tout cas limitée » (p. 112), sans voir « les conséquences de la croissance extensive – en particulier le facteur colonial, et bientôt le facteur fossile qu’il ne pouvait certes prévoir » (p. 116). Le pacte colonial est mis au jour par Fichte comme « un extraordinaire porte-à-faux écologique et géographique qui fait tenir la thèse de la croissance intensive » (p. 123).

Et, de là, découle une suite de paradoxes et de tensions. Guizot, Stuart Mill, Tocqueville, Jevons, chacun à leur manière, vont tour à tour les mettre en évidence et subodorer les contradictions derrière « l’alliance entre la subordination des milieux et l’accession à l’autodétermination politique » (p. 142). En outre, cette subordination matérielle de la modernité ne pourra persister que parce que le projet politique libéral du XIXe siècle ignorera « les asymétries géo-écologiques globales » (p. 155), c’est-à-dire, en termes clairs, la domination coloniale permettant un extractivisme gigantesque. Parce que « la dynamique vertueuse des intérêts individuels et des institutions égalitaires, qui fait la fierté des libéraux jadis comme aujourd’hui, ne peut fonctionner durablement que si elle est alimentée par un flux matériel suffisant » (p. 159).

S’ouvrent ainsi, au XIXe siècle, « le grand partage moderne entre nature et société » (p. 163) et « l’âge de la propriété » (p. 166). Pas étonnant que « la propriété, c’est le vol » de Proudhon ait « fait l’effet d’une bombe » (p. 168) en critiquant le pacte libéral car « il établit que la rareté n’est pas le contraire de l’abondance matérielle, mais son corrélat » (p. 177). On perçoit alors que, selon Charbonnier, le « mantra » durkheimien selon lequel les faits sociaux n’ont de causes que sociales est « l’expression prototypique du déni écologique » (p. 184). Et il cite Durkheim pour qui « on ne peut assigner aucune borne rationnelle à la puissance productive du travail » (p. 190). Pourtant, celui-ci, en étudiant l’anomie au sein même des sociétés riches, « a sans doute sous-estimé la capacité des gens à trouver de la jouissance, et même une satisfaction existentielle, dans la consommation marchande, mais il a identifié de façon remarquable l’impasse sociale et politique que constitue à long terme la conception extractive de l’économie. […] L’autonomie sociale n’est en rien une séparation à l’égard du monde extérieur, mais le résultat de l’intériorisation relative de ses contraintes grâce au progrès, intériorisation qui libère un espace où vient se loger le projet de transformation de la société. » (p. 192-193). Dans les sociétés où domine la « solidarité organique » définie par Durkheim, « la discontinuité apparente entre le problème social et le problème écologique cache en effet une continuité plus essentielle, celle d’une tension qui saisit les sociétés qui se veulent libres et prospères, entre la volonté d’autonomie et la volonté d’affranchissement à l’égard des cycles géo-climatiques et de leurs contraintes. Sous l’écologie politique, se trouve donc la question de la résistance qu’oppose la société à sa subordination à un ordre économique. » (p. 199). Un thème que l’on retrouvera plus loin avec Polanyi.

Dans le contexte d’industrialisation du XIXe siècle, émerge « un peuple de producteurs » (p. 201). Charbonnier nomme « l’hypothèse technocratique » de Saint-Simon et de Veblen : d’un côté les vertus d’une économie dépolitisée, mais, de l’autre, « le projet d’une conduite efficace, rationalisée, de grande échelle, et abondamment outillée, des affaires communes » (p. 202). La porte sera ouverte au taylorisme et à sa supposée efficacité.

Dans un chapitre intitulé « La nature dans une société de marché », Charbonnier met en scène, ou plutôt en vis-à-vis, Marx et Polanyi. « Le socialisme peut-il se présenter comme un dépassement du libéralisme sur son propre terrain, comme la réalisation d’une promesse jusque-là prise en charge par un assemblage entre économie et gouvernement représentatif, et qui requiert désormais une autre forme d’organisation des rapports aux richesses ? » (p. 241). C’est Marx qui pose cette hypothèse car il confère à la logique de l’accumulation du capital une « dimension totalisante » (p. 242). Pourtant, Rosa Luxemburg verra que l’accumulation est « tributaire de mécanismes de prédation pure et simple, de production de valeur sur une base à la fois extra-légale et non marchande, en particulier dans les périphéries coloniales » (p. 243), et le capitalisme « n’a pu tenir en Europe, et encore temporairement, que par l’intermédiaire de l’État interventionniste et protecteur, et partout dans le monde par la violation brutale du pacte entre croissance et émancipation » (p. 243). Comment faire coexister, dans la pensée de Marx, « deux moteurs historiques hétérogènes : d’un côté la lutte des classes, de l’autre les déterminations imposées par l’état des forces productives » ? (p. 246). « La transformation du monde est le ferment de l’autotransformation sociale, et chacune entraîne l’autre dans son mouvement jusqu’au moment de rupture où le cadre juridique qui avait accompagné le développement des forces productives s’effondre » (p. 247). Là se trouve, selon Charbonnier, la racine du clivage portant sur les interprétations actuelles de Marx entre « une tendance accélérationniste et une tendance qui va, à l’inverse, vers la soutenabilité ; l’une et l’autre héritent malgré elles de cet effet d’irréversibilité de la relation productive, qui a chez Marx la valeur d’un cadre ontologique indépassable » (p. 266) [3].

D’où l’intérêt porté à Polanyi par Charbonnier [4] parce que « le règne du marché n’a jamais réduit à néant la tendance de la société à l’autoprotection, et le contre-mouvement par lequel le collectif entend résister à la mise en concurrence généralisée est très profondément lié à la façon dont il comprend ses rapports au monde matériel et au territoire » (p. 267). En quoi, selon Charbonnier, Polanyi se distingue-t-il de Marx ? « Polanyi est le seul à avoir explicitement lié le dépassement du marché autorégulateur et la remise en jeu des rapports collectifs à la nature » (p. 269). La différence que le socialisme introduit en philosophie par rapport au pacte libéral est qu’« il s’agit d’une pensée où la conquête de l’autonomie par le corps politique ne présume pas réglée (et donc extérieure) la question des rapports collectifs à la nature » (p. 269). Selon Charbonnier, Polanyi sort « de la téléologie historique auparavant imposée par Marx, qui tendait à surestimer le destin productif de la civilisation globale » (p. 270) [5].

Sans doute, commence ici une discussion, car, précédemment, Charbonnier a mis en exergue que Marx balançait entre « deux moteurs historiques exogènes » ; ce balancement marque-t-il une imposition de l’un sur l’autre ou une hésitation entre les deux ? De plus, autant il faut reconnaître ce balancement, autant on ne peut trouver chez Marx l’idée que ces deux « moteurs » seraient exogènes, étrangers l’un à l’autre. La raison de cette hésitation, voire de cette ambiguïté, ne serait-elle pas dans le lien dialectique que Marx cherche entre la lutte des classes et le développement des forces productives, et qu’il est impossible de hiérarchiser de façon intemporelle et universelle ? On peut d’ailleurs en avoir une confirmation apportée par Charbonnier lui-même, qui souligne le « rôle décisif » (p. 272) que Polanyi fait jouer aux enclosures pour « créer les conditions juridiques et démographiques de la séparation entre le travail et la terre » (p. 272), dans des termes similaires à ceux de Marx sur l’accumulation primitive. La différence entre Marx et Polanyi est, selon Charbonnier, que Polanyi insiste sur le fait que, toujours, « la société cherche à se défendre contre ce qui l’agresse » (p. 277), et c’est en cela que le « réencastrement » de l’économie dans la société est une innovation théorique de Polanyi. Néanmoins, si la société sécrète toujours des mécanismes de défense contre les agressions marchandes, a-t-on raison de s’inquiéter de la marchandisation générale ? Cette automaticité propre à un « caractère implacable d’une loi sociale » (p. 277) n’est-elle pas quelque part démobilisatrice ?

Enfin, Charbonnier esquisse l’idée que Polanyi aurait compris que les classes possédantes qui avaient œuvré à la marchandisation de la terre au XVIIe siècle « ont réussi, deux siècles plus tard, à devenir la voix d’une résistance à l’économie capitaliste menée au nom de l’attachement collectif à la terre » (p. 280). Mais ce retournement, indéniable quand les propriétaires fonciers s’opposent à l’abolition des corn laws dans l’Angleterre du XIXe siècle, ne sera-t-il pas remplacé par un nouveau retournement dans l’autre sens, lorsque l’agriculture deviendra au XXe siècle quasi totalement capitaliste, au point de condamner à la mort sociale, sinon physique, beaucoup de peuples attachés à leur terre, en Amérique du Sud ou ailleurs ? Dès lors, en accordant à Polanyi d’avoir énoncé la « leçon » selon laquelle « la société s’est inventée en résistant à l’universalisation des relations de marché » (p. 367), n’y a-t-il pas le risque de recréer un nouveau mythe, celui de l’assimilation de la modernité et de la société ? Ce qui reviendrait à nier l’existence des sociétés hors de la modernité.

La terre comme point d’ancrage de la fin de la séparation société-nature ou la nature et les rapports sociaux

Parce que le mode de production capitaliste assurait son essor par la voie industrielle, la classe ouvrière semblait désignée pour accomplir l’émancipation humaine. Mais « le rapport à la terre comme instance indistinctement productive et spatiale, comme réalité économique et territoriale, s’estompe chez Marx » (p. 284). De ce fait, le pacte libéral bien sûr, mais aussi, selon Charbonnier, dans une certaine mesure, la critique de l’économie politique et le socialisme passent, aux XIXe et XXe siècles, à côté des enjeux de l’écologie : c’est le temps de « l’éclipse de la nature » (p. 289). Même Marcuse, critique féroce de « l’homme unidimensionnel » modelé par le capitalisme, reste en partie prisonnier du schème de la production dont dépendrait la conquête de la liberté.

Mais, après le temps de l’éclipse, vient celui de « la fin des certitudes » parce que, après la Seconde Guerre mondiale, progresse peu à peu le paradigme « des risques et des limites » (p. 315). À cet égard, le rapport au Club de Rome de 1972 joue un rôle crucial. Charbonnier insiste sur un point mal traité par la discussion de ce rapport : il ne s’en dégage pas une vision à la Malthus, qui prônait une accélération du développement économique pour échapper au sort funeste, mais, au contraire, il s’agit de « freiner la machine économique » (p. 324). Parallèlement, Nicolas Georgescu-Roegen entend rompre avec la pensée économique dominante en proposant d’intégrer les lois de la thermodynamique, notamment celle de l’entropie, pour bien saisir les flux de matière et d’énergie derrière les flux économiques. Et Charbonnier écrit que la vision de « l’économie newtonienne, où action et réaction se compensent harmonieusement, n’est pas analysée comme le produit idéologique de rapports sociaux, mais comme une idéalisation épistémique de flux de valeur abstraits qui a pour effet de rendre invisible, ou plus exactement extra-économique, le branchement de ces échanges sur le métabolisme écologique » (p. 326).

Cependant, le détachement des rapports sociaux n’est-il pas le point faible de l’analyse de Georgescu-Roegen ? Ce dernier, en mettant exactement au même rang Marx et l’analyse néoclassique, commet le contresens suivant : « Il ne faut pas s’étonner que Karl Marx ait pu défendre avec une insistance sans bornes l’idée que la nature ne joue aucun rôle dans le processus économique puisqu’elle nous offre ses trésors gratuitement. » [6] On touche ici l’impensé au sein de la théorie économique néoclassique de la distinction radicale entre richesse et valeur que l’économie politique, en dépit de ses failles, avait eu le mérite de transmettre et que Marx avait reprise : « Le travail n’est pas la source de toute richesse. La nature est tout autant la source des valeurs d’usage (et c’est bien en cela que consiste la richesse matérielle !) que le travail, qui n’est lui-même que la manifestation d’une force matérielle, de la force de travail humaine. » [7]

Autant je souligne l’importance du livre de Charbonnier, autant je pense que, sur la délicate question de la valeur, il y a matière à approfondir l’analyse, car la bioéconomie à laquelle Georgescu-Roegen a contribué ne réussit pas à abandonner totalement la thèse de la valeur-utilité, qui est incapable d’inscrire la nature à l’intérieur des sciences sociales [8]. La citation de Georgescu-Roegen ci-dessus n’est qu’une reprise de ce que disait Jean-Baptiste Say – dont on sait en quelle estime le tenait Marx – et qui restera pendant longtemps, et reste encore, l’hypothèse néoclassique.

Charbonnier voit bien que le paradigme des limites, « y compris dans sa version la plus aboutie et la plus riche, chez Georgescu-Roegen, […] ne répond pas au problème posé par Polanyi vingt-cinq ans plus tôt. On ignore, en effet, quel sujet collectif cherche son autonomie sous la forme d’une réintégration du territoire dans la pensée politique : la régulation prend ici un sens essentiellement biologique et énergétique, et une confusion totale règne entre ce qui relève de la définition d’objectifs matériels et ce qui relève de la définition de la transformation des rapports sociaux à la nature. » (p. 332-333).

Au fur et à mesure que Charbonnier développe sa thèse, sa conséquence politique prend peu à peu corps comme une sorte de pessimisme de la raison à la Gramsci :

« En l’absence ou presque d’une écologie politique rendant crédible l’accroissement de l’autonomie, c’est-à-dire l’émancipation politique, par (et non contre) la réponse au défi des limites, l’espace est abandonné à une opposition caricaturale entre d’un côté le fétichisme énergétique et sa tendance au solutionnisme technologique, et de l’autre le maintien du statu quo écologique et économique défendu par de raisonnables humanistes alliés aux forces du marché. Plus grave, sur un plan théorique cette fois, les impasses du paradigme des limites révèlent une fois de plus que la trajectoire historique de la modernité a imposé pour longtemps une triste alternative entre la protection d’un sujet politique créatif et autonome nommé ’société’, mais condamné à se complaire dans la fiction de l’illimitation, et la renaissance du naturalisme politique classique sous les traits d’un impossible écogouvernement. » (p. 334).

Il y a donc chez Charbonnier l’idée d’une crise simultanée « de la protection sociale et de l’autorité scientifique » qui est décisive pour redéfinir notre rapport au monde et au vivant : « La société ne peut-elle vraiment se protéger [dans le sens de Polanyi] qu’en s’envisageant du point de vue de ses rapports au monde, à la terre, aux ressources, non pas comme simples moyens de subsistance, mais comme éléments de sa définition ? » (p. 338). Il s’ensuit une rupture d’ordre épistémologique : la « démocratie technique » liée à l’âge industriel n’ayant pas tenu ces promesses, « c’est cette fois la crise de confiance à l’égard de l’expertise scientifique qui vient cristalliser une remobilisation démocratique » (p. 346). À cet égard, c’est l’« anthropocène » qui a « provoqué l’effondrement des paradigmes du risque et des limites dans leur capacité à organiser la conception des rapports entre nature et modernité » (p. 349) [9]. D’où la sentence : « Collapse et résilience, ces deux versions polarisées de la réaction à la crise, apparaissent comme un couple révélateur des espoirs déçus de l’écologie politique de la génération précédente » (p. 350-351).

Si l’extériorisation de la nature par le peuple de producteurs ne permet plus à ceux-ci de penser et de construire leur autonomie, Charbonnier nomme « symétrisation » le processus consistant pour les sciences sociales à « renverser le système gravitationnel des savoirs dont elles sont issues : alors que le mâle, l’Occident et sa société formaient à l’époque de ses pères fondateurs les pôles fixes autour desquels orbitaient respectivement la femme, le monde colonisé et la nature, un effort colossal a été mené pour rééquilibrer l’appréhension de ces asymétries manifestes et pour restituer aux seconds leur rôle d’acteurs historiques à part entière » (p. 255). Symétriser, c’est « décentrer le regard que l’on porte sur nous-mêmes » (p. 360, aussi p. 362), en suivant le concept de symétrie mis en avant par l’anthropologue David Bloor et repris par Bruno Latour, cités par Charbonnier [10].

Charbonnier pense indispensable de fonder un nouveau « cahier des charges épistémo-politique de la critique » (p. 362), car

« il est devenu manifeste que les sciences ne parviennent plus à faire autorité par elles-mêmes, en affirmant leur prétendu monopole sur la vérité au sujet du monde. […] La question climatique a prouvé a posteriori que la dimension politique des sciences ne leur est pas ajoutée de l’extérieur et après coup, lorsqu’il s’agit d’argumenter sur la place publique au sujet de telle ou telle mesure à prendre pour éviter la catastrophe, mais qu’elle est inhérente à leur démarche, qu’elle est inséparable de l’opération consistant à se présenter comme les représentants légitimes des processus en train de se produire dans l’atmosphère. » (p. 364).

Ici, posons la question suivante : à propos des propositions scientifiques dont parle Charbonnier, s’agit-il de l’exposé de faits, d’hypothèses sur ceux-ci et de formalisations théoriques, ou bien de propositions normatives et politiques ? En poursuivant l’exemple du réchauffement du climat, à quel niveau et à quel moment la « politisation » de l’expression scientifique intervient-elle ? Le choix de chiffrer l’élévation des températures, de même que celui de créer un GIEC, sont indéniablement politiques ; mais la mesure elle-même, au-delà des incertitudes qui pèsent sur elle, relève avant tout d’une démarche d’objectivation. Ensuite, les préconisations nous font repasser dans l’ordre normatif. À mon sens, cette distinction est indépendante du choix politique qui est fait de confier à des « experts » ou à des « citoyens » le soin de procéder aux investigations.

Avec l’idée de symétrisation des relations humains/non-humains, Charbonnier rejoint certainement celle des « alliances » proposée par Baptiste Morizot, qui veut ouvrir « la voie à une philosophie du vivant qui assume les héritages biologiques sans les transformer en déterminisme : au contraire, ils constituent la condition de l’inventivité, de la nouveauté et de la liberté » [11]. Nous sommes donc en présence d’un courant philosophique qui s’écarte du dualisme allant de Descartes à Kant, sur lequel la modernité a bâti l’opposition nature/culture, et contre lequel l’anthropologie contemporaine a réagi, à l’instar de Lévi-Strauss et de Descola [12], tout en s’inscrivant au sein d’une démarche qui reste rationnelle et raisonnable, donc scientifique, et qui, de ce fait, s’éloigne des systèmes de croyances, pour fonder en raison les égards dus au vivant. C’est une démarche, écrit Charbonnier, de « dénaturalisation du naturalisme […] parce qu’elle s’attaque plus fondamentalement qu’aucune autre à la double exception moderne : l’exception culturelle des modernes et leur volonté de s’extraire des interdépendances écologiques y sont considérées comme indissociables, et la dissolution de ces deux mouvements s’y opère d’un même geste théorique. » (p. 368). Fonder en raison les « égards dus au vivant » s’oppose donc à l’institution d’un droit de la nature – droit des animaux, des océans, des montagnes… –, ainsi que le proposent certains [13]. Charbonnier ne dit rien au sujet de ce droit (on y reviendra plus loin), sans doute parce que sa « symétrie » entrerait en contradiction avec la non-spécificité du monde humain par rapport aux non-humains qu’implicitement il rejette vraisemblablement : l’antispécisme ne peut sans doute pas s’intégrer dans un projet de reconstruction du socialisme sur la base d’un nouveau rapport à la « terre ».

Cela prouve en tout cas que la discussion n’est pas close. Selon Pierre Deléage, le perspectivisme [14] ne fait qu’opérer un renversement de la dichotomie Nature/Culture de l’anthropologie occidentale : pour celle-ci, le corps était ce qui était le commun des humains et des non-humains (l’animalité), l’âme étant l’apanage des humains (ce que la controverse de Valladolid n’arrivait pas à décider), pour les Amérindiens, le corps était le lieu de la différence, l’esprit étant commun.

« Les Amérindiens selon Eduardo Viveiros de Castro savaient d’avance que les Blancs, comme les animaux et les êtres immortels, avaient une âme, qu’ils étaient susceptibles d’occuper une position de sujet, mais ils se demandaient quelles pouvaient bien être les affections spécifiques de leurs corps. De même qu’un ethnocentrisme répondait à un autre par une inversion de la polarisation entre âme et corps, Eduardo Viveiros de Castro s’attaqua à nouveaux frais à la différence entre nature et culture, différence hélas centrale, car très surestimée, dans les manuels d’anthropologie. En effet, pour tous les philosophes occidentaux, l’anthropologie est la discipline du relativisme, le grand fournisseur de contre-exemples amusants aux assertions universalistes, car, si elle présuppose que la nature est toujours identique à elle-même, elle étudie les cultures dans toute leur diversité, préparant ainsi le terrain à des positions multiculturalistes où est soutenue l’idée que chaque culture entretient un point de vue spécifique et irréductible sur une même nature. Les Amérindiens virtuels animés par Viveiros de Castro pensent de manière symétriquement inverse : dans la mesure où ils admettent qu’il n’existe qu’un seul point de vue, que celui-ci est donc universel, ils doivent considérer que ce sont les natures qui varient, c’est-à-dire les affections corporelles spécifiques. Leur ontologie est donc multinaturaliste. » [15]

Si le perspectivisme est la forme académique de l’animisme, cela signifie que les collectifs qui le vivent possèdent « une autorité épistémique égale à la nôtre » (p. 370). Il n’y a plus de nature, puisque l’existence de celle-ci ne serait que le produit d’une ontologie dont l’universalité est contestable. Épistémologie, anthropologie, économie et écologie politique se retrouvent renversées cul par-dessus tête car « le développement des savoir-faire que le grec ancien exprime sous le concept de poiesis tend à accorder à l’artisan, en tant qu’il impose sa forme à une matière d’abord inerte, une responsabilité quasiment exclusive dans la genèse des objets. […] La contribution des agents non humains, c’est-à-dire des sols, des plantes et des animaux, à la genèse d’une récolte de grain est telle que le lexique de la production apparaît cette fois en décalage profond avec la nature des processus qualifiés. » (p. 374).

C’est ici que je marque une distance par rapport à l’idée selon laquelle on pourrait imputer à l’ontologie de la production, chère à l’économie politique et à sa critique, la négation de sa relation avec l’environnement dit naturel. Le problème sémantique, mais qui est ici en réalité épistémologique, est que la « contribution » des agents non humains, n’est pas de même nature, si l’on peut dire, que celle des humains. Sans doute, l’intuition d’Aristote n’a-t-elle rien perdu de sa pertinence, puisqu’elle a donné lieu à la distinction entre richesse et valeur que l’économie politique, de Smith à Marx, en passant par Ricardo, a posée comme première pierre de sa construction. [16] Et l’objection que la « richesse » ne serait pensée qu’en termes utilitaristes ne résiste pas à l’examen. L’amalgame fait de façon récurrente entre l’économie politique – dans sa version anglaise comme dans sa version marxienne « critique » – et la théorie dominante ne tient que parce que l’ordre éthique et philosophique est rendu réductible, commensurable, à l’ordre économique. On pourrait y voir un paradoxe : ceux-là mêmes qui ont théorisé l’extériorité de la nature jouent la possibilité de réduire celle-ci à l’économie. Dans ce cadre, la mise en avant de la notion de valeur intrinsèque de la nature provoque des ravages théoriques et politiques immenses. Comme le disait John Dewey,

« Il y a une ambiguïté dans l’usage des adjectifs ’inhérent’, ’intrinsèque’ et ’immédiat’, qui alimente une conclusion erronée. […] L’erreur consiste à penser que ce qu’on qualifie ainsi est extérieur à toute relation et peut être, par conséquent, tenu pour absolu. […] L’idée que ne pourrait être qualifié d’inhérent que ce qui est dénué de toute relation avec tout le reste n’est pas seulement absurde : elle est contredite par la théorie même qui relie la valeur des objets pris comme fins au désir et à l’intérêt. Cette théorie conçoit en effet expressément la valeur de l’objet-fin comme relationnelle, de sorte que, si ce qui est inhérent c’est ce qui est non relationnel, il n’existe, si l’on suit ce raisonnement, strictement aucune valeur intrinsèque. […] À strictement parler, l’expression ’valeur intrinsèque’ comporte une contradiction dans les termes. » [17]

Et Charbonnier n’est sans doute pas loin de partager ce point quand il parle de la « prétendue valeur intrinsèque de la nature sauvage » (p. 415), mais le paradoxe précédent devient une contradiction lorsque, pour théoriser l’« échange écologique inégal », concept qu’il reprend de Juan Martinez-Allier, on croit se défaire « des métriques économiques ordinaires, fondées sur les prix de marché, pour subordonner l’analyse de la richesse à un concept de valeur défini en référence à l’écologie fonctionnelle » (p. 377). Or, d’une part, aujourd’hui, toutes les institutions internationales (Banque mondiale, OCDE, Union européenne…) ne jurent que par la « croissance inclusive », grâce à la prise en compte du « capital naturel » mesuré à la même aune que le capital économique et financier. D’autre part, les études menées par Robert Costanza, que Charbonnier cite en référence (p. 377), et qui ont été pionnières pour chiffrer la « valeur de la nature » ou la « valeur produite par la nature », sont ce qu’on fait de pire pour singer l’analyse néoclassique à propos de la nature. Il ne faut pas y voir une démarche pour « contester à l’expression monétaire de la valeur son hégémonie dans la raison économique et lui substituer une conception matérialiste, dans laquelle la primauté est accordée aux flux d’énergie, aux stocks de ressources et aux fonction éco-évolutives systémiques » (p. 414). Tout au contraire, ce n’est pas une substitution, mais un alignement des flux matériels sur une évaluation monétaire d’autant plus hasardeuse qu’elle est conditionnée par un taux d’actualisation. Il s’ensuit une nouvelle curiosité : l’incommensurabilité des métriques économiques et écologiques est affirmée (p. 378) mais elles sont mesurées quand même. Et si on peut donner raison à Charbonnier de critiquer « le non-paiement des externalités ou services écologiques dégradés » (p. 379), le pas est trop vite franchi par nombre de mouvements écologiques ou de penseurs écologistes pour en déduire ladite valeur économique intrinsèque de la nature. Ce que Charbonnier nomme « le message fondamental des critiques de la croissance consistait à faire entrer dans la sphère de la valeur des processus situés, irréversibles, qualitatifs » (p. 414) est en réalité un déni de l’incommensurabilité des processus naturels et des processus économiques, notamment à cause de temporalités radicalement différentes [18].

De plus, « considérer les activités économiques comme un sous-système de relations métaboliques » (p. 380) [19] doit-il conduire à la conclusion selon laquelle « c’est parce qu’on a séparé et glorifié sous le nom de production une petite partie des opérations qui se jouent dans la genèse d’une marchandise (notamment le fait de donner une forme à une matière) que l’on a appris à ne plus voir ces fonctions et notre dépendance à leur égard » (p. 380) ? D’une part, ce serait donner aux représentations un rôle déterminant qui occulte les rapports sociaux, comme si le rapprochement de la nature nous menait à une philosophie idéaliste. D’autre part, ces représentations seraient de nouveaux fétiches comme la nature qui « travaillerait » et qui « produirait ». Et la conclusion à la Descola ne manque pas de surprendre : « Pour penser le freinage économique, la solution la plus simple consiste donc à admettre que nous n’avons jamais rien produit » (p. 380), ou, plus loin : « admettre que l’on ne produit pas nos moyens de subsistance et encore moins les conditions générales de la coexistence terrestre, mais que l’on participe d’une régulation géo-écologique faite de cycles à entretenir et à préserver, est le premier geste pour élaborer une économie politique qui réponde enfin aux bonnes affordances de la terre » (p. 406). À mon sens, ne vaudrait-il pas mieux une formulation telle que : nous produisons (nous devons produire) nos moyens d’existence dans le respect des conditions permettant cette régulation géo-écologique ? Même chez Locke, on trouve l’idée que la terre ne nourrit pas son homme si celui-ci ne travaille pas, ainsi que, en filigrane, sa conséquence : les notions de valeur intrinsèque et de valorisation s’opposent.

Pour la liberté

Le livre de Pierre Charbonnier est un plaidoyer en faveur d’une « nouvelle cartographie conceptuelle » (p. 388), et son originalité tient dans le fait qu’« il faut résister à l’idée selon laquelle les objections faites à la modernité s’accompagneraient fatalement d’un abandon des exigences critiques issues de la question sociale, et qu’elles ne feraient place qu’au relativisme, à la renonciation aux idéaux émancipateurs. […] Le meilleur hommage qu’on puisse rendre au socialisme consiste donc à actualiser le socle conceptuel et historique sur lequel le projet d’autonomie peut se reconstituer, plutôt qu’à faire revivre à tout prix des idéaux liés à l’âge industriel. » (p. 389-390). Cela suppose d’abandonner « la définition traditionnelle de la société qui implique son opposition à la nature. » (p. 380).

On lui saura gré d’avoir insisté sur la caractéristique du social comme « sujet critique au prix d’un maintien de l’extériorité de la nature », et aussitôt d’affirmer que « l’autoprotection de la société inclut ses liens aux conditions de subsistance et aux territoires » (p. 394). Sinon, la contradiction entre l’émancipation et l’abondance, découplant le social et le naturel, est insurmontable.

La cartographie conceptuelle proposée par Charbonnier comporte trois volets : « reprendre à la racine l’interrogation sur (1) le type d’espace que l’on circonscrit par nos appartenances politiques, historiques et matérielles, (2) le sens qu’on accorde à la prise technique et juridique que l’on exerce sur le monde, et (3) le type d’autorité que l’on confère au discours scientifique, c’est-à-dire à ce qui garantit la synthèse entre la connaissance que nous avons de nous-mêmes et la connaissance que nous avons du monde – synthèse plus que jamais nécessaire à l’âge du changement climatique. » (p. 404).

Mais quel sera le « sujet collectif critique » capable de dissocier la liberté de la quête infinie de l’abondance ? Selon Charbonnier, ce ne sera plus le sujet « société » et on se gardera de lui reprocher le flou de son collectif remplaçant, tellement les choses sont assez balbutiantes, sinon incertaines : « L’autoprotection est en ce sens plus centrale que son sujet historique habituel (la société), puisque c’est ce concept qui permet de relier étroitement un collectif politisé (ce qui se protège), une instance d’agression (ce contre quoi il se protège) et des mécanismes d’autodéfense (les savoirs et les pratiques mobilisés pour se protéger. » (p. 412). C’est l’occasion d’ailleurs de s’interroger sur la pertinence de l’assimilation du sujet collectif susceptible de porter la démarche d’émancipation à la « société », qui est ici une abstraction, c’est-à-dire ignorant les rapports sociaux de domination en son sein, qu’ils soient vus comme des rapports de classes ou de façon intersectionnelle. Si le nouveau sujet collectif aperçu par Charbonnier, « dont le nom et les modalités d’action sont en train d’être élaborés dans les confits écologiques » (p. 412), est à ce point centré sur l’écologie, on a de la peine ensuite à penser cette jonction du social et de l’écologie souhaitée à juste titre par l’auteur. La fin de « l’âge industriel » est-il un phénomène mondial ou propre aux vieilles sociétés industrielles ? Et l’identité ouvrière attachée aux métiers, au tissu collectif, et finalement au travail, a-t-elle achevé de délivrer un message d’avenir ? Ce n’est pas ce qui ressort du témoignage des ouvriers de l’aciérie Ascoval… [20]

Au final, quelques interrogations demeurent. La critique que fait Charbonnier du « pacte libéral », lequel postulait que l’abondance permettrait l’émancipation, passe-t-elle par pertes et profits toute la philosophie des Lumières ? Que fait-elle des Lumières qui ont porté la rupture avec une conception métaphysique et religieuse du monde et accompagné la naissance de la science moderne ? Que fait-elle aussi des droits humains hérités des Lumières dont on voit bien aujourd’hui que leur défense n’est pas seulement une affaire d’Occident universaliste méprisant les autres cultures, mais que beaucoup de luttes populaires sous toutes les latitudes s’en réclament ? À force d’identifier la rupture de l’humain avec la nature à ce moment historique que fut la modernité, ce qui, répétons-le, possède une large justesse, n’y a-t-il pas le risque d’oublier que les sociétés antérieures, quoique souvent dans un rapport moins prédateur avec la nature, étaient des sociétés où l’exploitation des uns par les autres et la domination des uns sur les autres étaient la règle ? Toujours menacés, l’État de droit et la séparation des pouvoirs ne doivent-ils rien aux Lumières ? Enfin, si le « pacte libéral » s’est imposé, faut-il y voir un effet idéologico-politique ou bien le produit d’un développement des rapports de production capitalistes ayant permis à la classe dominante de modeler l’image qu’il fallait en donner pour « faire passer la pilule » et ainsi légitimer et pérenniser son pouvoir ?

Il est une question que n’aborde pas Charbonnie,r alors qu’elle pourrait être considérée comme découlant de l’« alliance » entre humains et non humains ou de la « symétrie » : faut-il donner des droits à la nature ? La question est débattue dans tous les cercles écologistes, notamment depuis que l’Équateur, sous la présidence de Rafael Correa, en avait inscrit le principe dans sa constitution, en faveur du « bien-vivre » (Buen Vivir) défini comme une alternative au développement traditionnel. Mais cette position philosophique ne manque pas de soulever des difficultés [21]. Peut-on considérer que les océans, les montagnes et toute matière, voire les bactéries auxquelles nous sommes rattachés après des millions d’années d’évolution, sont animés d’une intentionnalité qui leur donne la possibilité d’être sujets de droits et de se pourvoir en justice parce que l’humanité leur aurait accordé la personnalité juridique ? À propos de la crise du Covid-19, le philosophe Michaël Fœssel, prenant ses distances avec cette possibilité, récuse l’idée que la Nature se vengerait [22], ce qui serait une forme contemporaine de ce qui était vu autrefois comme une punition divine.

Ainsi, la nature ne devrait-elle pas être plutôt l’objet de devoirs impératifs qu’un sujet de droits ? Ce n’est que parce que les humains se feraient un devoir de respecter la nature qu’ils auraient le droit d’en faire un usage raisonnable. Autrement dit, l’idée que la vie, humaine comme non humaine, est une valeur en soi n’est jamais exprimée par la nature mais l’est par l’humanité qui se fixerait à elle-même un « impératif écologique ». Et il serait absurde de dire que la Nature (avec un grand N), dotée de la personnalité juridique se fixerait elle-même un mandat de ce type. Le juriste François Ost ne pense pas possible de personnifier la nature et de lui donner des droits « faute d’une égalité ontologique qui permettrait de partager le langage de la normativité » et il poursuit en affirmant que « ce n’est donc pas de l’extérieur (les lois de la nature) que se fait valoir la question de l’élargissement éthico-politique : c’est du creux même de l’humanité de l’homme qu’elle s’impose [23] ». L’opposition est manifeste : d’un côté symétrie des droits, de l’autre devoirs et responsabilités de l’homme. Pour autant, Ost fait sienne l’idée qu’« il n’y a pas d’un côté la société, de l’autre la nature ».

« La réalité nous fait voir un ’milieu’, produit dialectique de leurs interactions maintenant millénaires. La prise en compte de ce ’milieu’ implique assurément une révolution épistémologique mobilisant des savoirs franchement interdisciplinaires et une pensée de la complexité qui saisisse les logiques multiples et circulaires de leurs transformations réciproques : le thème du « développement durable », fruit de la rencontre des logiques économiques et écologiques, est un exemple parmi d’autres de ce changement de paradigme. Doit-on penser que la prise en compte du milieu implique également une révolution politique au sens où les « hybrides », imbroglios de nature et de culture, se verraient désormais reconnaître le droit d’être représentés dans les enceintes où s’écrivent les lois ?  [24] »

Et, par rapport au « parlement des choses » proposé par Latour, il le comprend comme « prendre acte de notre implication, toujours plus poussée, dans des réseaux d’hybrides et d’élargir notre projet de maîtrise à ces nouveaux Léviathans en voie d’autonomisation [25] ». Cela constituera-t-il des passerelles entre des rives opposées ?

Laissons pour terminer la parole à Pierre Charbonnier :

« Ce qui fait écran à l’émergence d’une pensée politique ajustée à la crise climatique n’est donc pas seulement le capitalisme et ses excès. C’est aussi en partie l’acception même de l’émancipation dont nous sommes les héritiers, qui s’est construite dans la matrice industrielle et productionniste et qui s’est traduite par la mise en place de mécanismes protecteurs encore tributaires de la croissance. » (p. 424).

Et on voit bien la difficulté que ne cherche pas à dissimuler l’auteur :

« Il faut donc mettre au point des dispositifs permettant d’abaisser notre dépendance à l’égard de ces énergies sans violer les aspirations collectives qui y sont enchâssées. Cette double contrainte ne peut être résolue ni en dénonçant l’idéologie de la bagnole ni en compensant ses externalités, mais en réinventant les institutions protectrices, les infrastructures urbaines, leurs mécanismes de financement, ainsi que les attachements sociaux qui y trouvent leur place. » (p. 425).

Tout un programme de transition… Mais comment s’y prendre ?, chantait Juliette Gréco… 

Post-scriptum

J’ai pris connaissance de la réponse de Pierre Charbonnier à la recension de son livre que j’ai faite, et je le remercie d’avoir accepté de la discuter dans ce numéro des Possibles, tout en lui donnant de nouvelles perspectives.

Celles-ci soulèvent des questions trop complexes pour qu’il y soit répondu complètement en quelques lignes, et il serait discourtois de ma part de vouloir avoir maintenant le dernier mot. La discussion pourra continuer plus tard ici ou ailleurs. Aussi, je me contente de dire deux choses brèves à propos des deux sujets abordés par Pierre Charbonnier dans sa réponse.

J’exprime mon plein accord avec l’idée que toute pensée ou analyse devait être reliée à son contexte historique et épistémologique. Et cette position s’applique bien entendu à Marx comme à tout autre. De plus, j’ai souvent souligné moi-même l’ambivalence, pour ne pas dire l’ambiguïté, qui est au cœur de sa vision de la relation métabolique de l’homme avec la nature, tout en reliant l’émancipation humaine à la sortie du « règne de la nécessité ». Cependant, les conditions de l’accumulation du capital que rappelle Pierre Charbonnier sont juste celles que Marx a indiquées pour dire la possibilité pour le capital de faire produire et accaparer la « valeur ». Et, de mon point de vue, la formule de Pierre Charbonnier « Marx fait de la relation productive une condition d’accès à la rationalité de la valeur » mériterait tout autant d’être inversée ainsi : la valeur est la seule manière pour le capital d’envisager une relation productive. C’est-à-dire : aucune production n’est légitime pour le capital si elle ne donne pas lieu à production de valeur pour lui [26]. Il y a là pour Marx le dévoilement du fétichisme des rapports sociaux, de l’argent et de la marchandise, et non un projet normatif. Et c’est bien pour cela que la seconde partie de la formule de Pierre Charbonnier « alors qu’elle [la relation productive] doit être analysée elle-même comme une forme historique contingente » peut être placée sans hésiter sous la plume de Marx. Et, dans le cadre d’une théorie de la valeur renouvelée, j’ai proposé de rendre compte de l’interdépendance de l’exploitation du travail et de celle des milieux naturels dans une formalisation de la décomposition du taux de profit (seul indicateur pour le capital) faisant apparaître deux variables : une variable de répartition entre capital et travail et une variable d’efficacité technico-écologique [27]. Aussi, il me semble que la « divergence entre économie et écologie » doit être vue comme celle entre économie tournée vers l’accumulation du capital (et non économie en général) et écologie.

La seconde remarque rapide concerne le rapport à la philosophie des Lumières et à la modernité. Schématiquement, je dirais que l’on ne peut pas (ou plus) se revendiquer de « faire table rase ». Que l’universalisme hérité des Lumières ne soit plus considéré comme « une référence historique indépassable », soit, mais une référence parmi d’autres possibles et existantes. La question de l’écologie – associée à celle du social, et j’ai souligné dans ma recension mon approbation totale du souci de Pierre Charbonnier sur ce point – pose à nouveaux frais la réflexion théorique et politique sur la modernité. Celle-ci, de par sa fuite en avant productiviste, sous l’impulsion du capitalisme (j’insiste) a construit un récit capable de faire adhérer des milliards de gens à cette dynamique. Mais le post-modernisme récusant un tel récit a fait long feu. Pourrait émerger une vision non (ou moins anthropocentrée), par exemple un « écolocentrisme ». Mais qui pourrait déclarer l’ouverture d’une ère écolocentrée, sinon l’être humain ? C’est dire la difficulté de fermer la parenthèse historique des déboires et des dégâts de la modernité, sans pour autant renier la continuité historique de l’aspiration à la démocratie qui a traversé trois millénaires, et que l’on trouve aujourd’hui chez tous les peuples de la terre, sans qu’il faille y voir nécessairement et uniquement un reste de colonialisme de l’Occident sur le reste du monde, mais peut-être comme une progressive appropriation, déclinée selon chaque culture, d’un bien commun. De la même façon, le recul des visions métaphysiques du monde, sous le progrès des connaissances scientifiques, peut être considéré comme partie prenante de ce bien commun.

Notes

[1La notion de symétrie sera définie plus loin.

[2John Locke, Traité du gouvernement civil, 1690, Paris, Flammarion, Le Monde de la philosophie, 2008, p. 207 et 212-213, écrit : « D’ailleurs, en s’appropriant un certain coin de terre, par son travail et son adresse, on ne fait tort à personne, puisqu’il en reste toujours assez, et d’aussi bonne, et même plus qu’il n’en faut à un homme qui ne se trouve pas pourvu. […] Avant l’appropriation des terres, celui qui amassait autant de fruits sauvages, et tuait, attrapait, ou apprivoisait autant de bêtes qui lui était possible, mettait, par sa peine, ces productions de la nature hors de l’état de nature, et acquérait sur elles un droit de propriété. […] La même mesure règle assez les possessions de la terre. Quiconque cultive un fonds, y recueille et moissonne, en ramasse les fruits, et s’en sert, avant qu’ils ne soient pourris et gâtés, y a un droit particulier et incontestable. » On trouve la même idée chez Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1754, Paris, Flammarion, Le Monde de la philosophie, 2008, p. 268 : « C’est le seul travail qui donnant droit au cultivateur sur le produit de la terre qu’il a labourée lui donne par conséquent sur le fond, au moins jusqu’à la récolte, et ainsi d’année en année, ce qui faisant une possession continue, se transforme aisément en propriété. » Cependant, Rousseau, dans son article de l’Encyclopédie « Discours sur l’Économie politique » (1755, version électronique établie par Jean-Marie Tremblay), met en avant des principes qui l’éloignent d’une conception utilitariste : l’économie publique exprime la volonté générale et s’oppose à l’intérêt personnel ; et il y critique l’accumulation. Dans le Discours sur les sciences et les arts (1750), il critique le luxe qui est antinomique avec la vertu, abandonne le lien que Montesquieu fait entre le « doux commerce et les bonnes mœurs » et, pourrait-on dire, il esquisse la critique du désencastrement de l’économie par rapport aux lois de la société ; en cela, il s’écarte de la notion de lois naturelles au sein de l’économie politique : « Que luxe soit un signe certain des richesses ; qu’il serve même si l’on veut à les multiplier : que faudra-t-il conclure de ce paradoxe si digne d’être né de nos jours ; et que deviendra la vertu, quand il faudra s’enrichir à quelque prix que ce soit ? Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d’argent. L’un vous dira qu’un homme vaut en telle contrée la somme qu’on le vendrait à Alger ; un autre en suivant ce calcul trouvera des pays où un homme ne vaut rien, et d’autres où il vaudrait moins que rien. Ils évaluent les hommes comme des troupeaux de bétail. Selon eux, un homme ne vaut à l’État que la consommation qu’il y fait. » (Discours sur les sciences et les arts, Paris, Flammarion, Le Monde de la philosophie, 2008, p. 27-28).

[3Charbonnier parle de tendance accélérationniste pour faire référence au développement illimité des forces productives qui pourrait être l’une des façons de comprendre Marx. Dans l’histoire des idées, l’ontologie concerne la philosophie de l’être ; ici, l’analyse de la production et des rapports sociaux qui s’y nouent inaugurerait chez Marx toute science de la société.

[4On comprendra l’intérêt que j’ai trouvé dans ce chapitre dans la mesure où j’ai placé mon livre Le trou noir du capitalisme, Pour ne pas y être aspiré, réhabiliter le travail, instituer les communs et socialiser la monnaie, Lormont, Le Bord de l’eau, 2020, paru au même moment que celui de Charbonnier, sous l’égide de Marx et de Polanyi. Dans mon livre, j’associe dans ma problématique les deux auteurs parce que le premier donne les principaux concepts pour analyser le capitalisme et le second suggère les voies pour ne pas sombrer dans le processus qui conduirait à marchandiser le travail, la terre et la monnaie. Le livre de Charbonnier pose le problème différemment en séparant davantage Marx et Polanyi pour briser ce qu’il nomme le pacte libéral.

[5La téléologie désigne une démarche partant des fins supposées pour expliquer l’enchaînement des événements conduisant à celles-ci. Présente chez les philosophes grecs, la téléologie sera réfutée au siècle des Lumières (notamment par Bacon, Descartes, Spinoza) et plus tard par Darwin.

[6N. Georgescu-Roegen, « De la science économique à la bioéconomie », Revue d’économie politique, Mai-juin 1978, vol. 88, n° 3, p. 337-382, in A. Missemer, Nicholas Georgescu-Roegen, pour une révolution bioéconomique, Lyon, ENS Éditions, Feuillets Économie politique moderne, 2013 ; pour une recension voir J.-M. Harribey, « À la (re)découverte de Georgescu-Roegen avec Antoine Missemer », Économie rurale, n° 342, 2014.

[7K. Marx, Critique du programme du parti ouvrier allemand, dans Œuvres, Gallimard, La Pléiade, 1965, tome I., p. 1413.

[8C’est la thèse que je soutiens et qui est reprise par A. Douai et G. Plumecocq, L’économie écologique, La Découverte, Repères, 2017 ; pour une recension voir J.-M. Harribey, « L’économie écologique tiraillée de tous côtés », Contretemps, 8 septembre 2017.

[9Charbonnier ne développe pas vraiment l’idée que le concept de capitalocène est en grande partie en opposition à celui d’anthropocène. L’anthropocène désigne l’ère ouverte par les conséquences des activités humaines sur la biosphère et le climat, et cela depuis le néolithique ; le capitalocène souligne au contraire l’ère ouverte par le capitalisme.

[10D. Bloor, Knowledge and social imagery, Chicago, University of Chicago Press, 1991(1976). B. Latour, Nous n’avons jamais été modernes, Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991 ; Politiques de la nature, Paris, La Découverte, 1999.

[11B. Morizot, Manières d’être vivant, Enquêtes sur la vie à travers nous, Postface d’Alain Damasio, Arles, Actes Sud, 2020, p. 58. Voir une recension : J.-M. Harribey, « Un livre pour l’été 2020 : Manières d’être vivant de Baptiste Morizot  », 10 juillet 2020.

[12Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, 1947, Paris, Mouton et Maison des sciences de l’Homme, 1967 ; Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.

[13J’avais participé à un débat il y a quelques années dans la revue Mouvements  : J.-M. Harribey, « La nature sujet de droit : une fiction, un mythe fondateur pour changer la réalité ? », Mouvements, janvier 2012.

[14Le perspectivisme est une philosophie qui considère que la réalité est la somme des points de vue (les perspectives) que l’on a sur elle. Anciennement, on trouve une telle approche chez Montaigne, Leibnitz, Nietzsche et Ortega y Gasset. Parmi les anthropologues actuels, le Brésilien Eduardo Viveiros de Castro soutient que certains peuples amérindiens considèrent que les animaux se comportent comme des humains et que les animaux voient les humains comme eux-mêmes. Voir de cet auteur « Perspectivisme et multinaturalisme en Amérique indigène », Journal des anthropologues, n° 138-139, 2014, p. 161-181, traduction d’Ella Schlesinger.

[15P. Deléage, L’autre mental, Figures de l’anthropologue en écrivain de science-fiction, Paris, La Découverte, 2020, version électronique, p. 166-167.

[16J.-M. Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, Paris, Les Liens qui libèrent, 2013 ; Le trou noir du capitalisme, Pour ne pas y être aspiré, réhabiliter le travail, instituer les communs et socialiser la monnaie, Lormont, Le Bord de l’eau, 2020.

[17J. Dewey, La formation des valeurs (Théorie de la valuation), 1981, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, La Découverte, 2011, p. 108 à 110.

[18Voir J.-M. Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, et Le trou noir du capitalisme, op. cit.  ; « Le capital naturel ou capital vert : un objet fictif mal identifié », 22 janvier 2014.

[19Au passage, dans des termes très voisins, pour ne pas dire semblables, de ceux de Marx.

[20Voir le film documentaire d’Éric Guéret, « Le feu sacré », 2020.

[21Jean-Marie Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, op. cit.  ; « Lettre d’un Terrestre à une Terrestre, sur le livreLettre à la Terrede Geneviève Azam », Les Possibles, n° 21, Été 2019.

[22Michaël Fœssel, « Le grand entretien », France Inter, 22 mai 2020.

[23François Ost, « Élargir la communauté politique par les droits ou par les responsabilités ? », Écologie et politique, n° 56, 2018-1, Lormont, Le Bord de l’eau, p. 68. Du même auteur, « Droits de la nature et droits de l’homme », in Samanta Novella, (coord.), Des droits pour la nature, Paris, Éd. Utopia, 2016, p. 81-88 ; ainsi que son article dans ce numéro.

[24Ibid, p. 68.

[25Ibid, p. 69.

[26Voir le débat que je mène sur le travail productif de valeur dans les services monétaires non marchands : J.-M. Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, op. cit.

[27J.-M. Harribey, Le trou noir du capitalisme, op. cit.

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