Planifier un atterrissage sans crash pour le secteur aérien en France (atelier)

, par Attac France

Le groupe de travail aérien, regroupant des militants de CL s’est créé pendant le confinement n°1 où on a pu assister à presque un arrêt du transport aérien.
Ce groupe compte une trentaine de personnes.
Une 1re note est parue en juillet ICI, une 2e le 2 octobre ICI
Un dossier est en cours de préparation pour le prochain Lignes d’Attac de janvier 2021.

Problématique du secteur aérien / enjeux auxquels il est confronté

Diaporama 1re partie par Dominique Bonnet :

Historique / points clefs :

  • Depuis 1944 et la convention internationale de Chicago, le secteur aérien bénéficie d’une exemption de taxe de carburant.
  • La libéralisation du transport aérien en Europe est achevée depuis avril 1997. L’UE a passé des accords de « ciel ouvert » avec la plupart de ses grands partenaires aériens. C’est la libre concurrence entre les compagnies.
  • le transport international aérien n’est pas concerné par les mesures de réduction de GES par pays dans le protocole de Kyoto de 1997
  • En France, la stratégie nationale du transport aérien est la croissance neutre en carbone à compter de 2020 dans le cadre du régime mondial de compensation CORSIA
  • Avec Airbus, la France est le deuxième pays aéronautique au monde
  • Elle est le premier contributeur au solde positif du commerce extérieur

Impact climatique / quelques chiffres :

  • La combustion d’un litre de kérosène émet 2,5 kg de CO2 ; si on ajoute le CO2 émis pour sa production, on arrive à 3 kg de CO2 / litre
  • En 2018 4,2 milliards de passagers ont parcouru en moyenne 2000 km. Ils ont brûlé 360 millions de m3 de kérosène, soit une émission de plus de 1 milliard de tonnes (1 Gt) de CO2. Les émissions mondiales provenant de l’énergie fossile sont 40 Gt mondiales. Le trasnport sérien représente ainsi 2,6% de ces émissions
  • La consommation ramenée au passager est de 4 litres/100km avec des différences entre court et long courrier (du même ordre qu’une voiture individuelle)
  • Mais il faut aussi tenir compte de l’émission de vapeur d’eau (traînées + cirrus) et d’autres gaz qui ont aussi un effet de « forçage radiatif » (rétention de la chaleur, d’où augmentation de la température de l’atmosphère) : au total il faut multiplier par 3 les émissions de GES !
  • En France 172 millions de passagers aériens ont parcouru 1600km en moyenne ; il sont émis 23 Mt CO2, dont 4,8 pour le domestique et 18,2 Mt pour les vols internationaux qui ne sont comptés qu’à moitié. Soit 5% des émissions totales françaises (463 Mt), mais 7,3 % des 775 Mt de l’empreinte carbone, c’est-à-dire quand on compte les émissions "causées" par les seuls Français
  • L’aviation a contribué pour 3,5% au réchauffement depuis 1940. Aujourd’hui, les émissions du transport aérien représentent 5,9 % du pouvoir de réchauffement de l’ensemble des activités humaines (données 2018)

Autres impacts

  • Les extensions d’aéroports contribuent à l’artificialisation des terres : ainsi la nouvelle piste de Nantes Atlantique qui se trouve à proximité de sites Natura 2000.
  • Pollution atmosphérique
  • Nuisances sonores avec ses conséquences sur la santé des riverains
  • La “démocratisation” du trafic aérien et la baisse des tarifs a contribué au développement du tourisme de masse, avec des conséquences néfastes sur les populations des pays visités, principalement du Sud.

Pistes pour réduire l’empreinte carbone 

  • Améliorations sur la qualité et la robustesse des matériaux, le roulage des avions au sol par tracteurs électriques, l’optimisation des trajectoires de vol, mais celles-ci sont forcément limitées et peu d’impact.
  • L’ avion électrique n’est pas, ni actuellement ni à moyen terme, une solution imaginable pour du transport de passagers de masse.
  • L’avion à hydrogène se heurte à de nombreuses difficultés techniques, écologiques : pour produire de l’hydrogène vert, il faut de l’électricité verte dont les usages vont entrer en concurrence avec d’autres secteurs.
  • Agrocarburants : solution à rejeter, car ils participent à la déforestation mais là aussi, l’usage pour le transport aérien entrerait en concurrence avec d’autres secteurs : voiture, biomasse pour énergie, chimie plastique, ….
  • Dispositifs de compensation des émissions : programme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation). A partir de janvier 2021, sur une base volontaire, puis obligatoire à partir de 2023, les compagnies devront acheter des crédits de compensation carbone pour les émissions supérieures à celles de 2020 ("croissance neutre en carbone") ; elles ne réduiront pas leurs émissions !
  • La seule solution pour pallier les conséquences sur le climat et l’environnement est donc de diminuer drastiquement le trafic aérien.

Questions

On peut trouver des chiffres différents de ceux annoncés
=> Les chiffres sont souvent minimisés. L’empreinte carbone du transport aérien représente 6 à 7 % de l’empreinte carbone de la France et non 1 à 2 %. Ce qui n’est pas négligeable.

Que représentent les transports routiers dans l’impact carbone ? concernant le fret, il serait intéressant de comparer avion + route par rapport au train
=> L’aviation représente 15% des émissions du transport qui représente lui même 30 % des émissions totales. L’essentiel des émissions du transport concerne l’avion et le routier. Les émissions du ferroviaire sont moindres.
Il faudrait baisser avion et routier et augmenter en même temps le ferroviaire.
Mais le chemin de fer et le routier relèvent de décisions politiques nationales, l’aérien a une dimension internationale, les décisions ne peuvent être prises isolément.
L’équation est compliquée.
Le fret aérien toutefois est négligeable par rapport au fret maritime : 5 % du transport aérien.
Le ferroviaire est une question très politique.
Le groupe SNCF a été découpé en 1100 filiales avec à leur tête des pantoufleurs.
On est en train de perdre le matériel et les cheminots.

Il faudrait limiter le transport aérien aux transports de grande nécessité. Je ne crois pas aux alternatives (carburant, électrique, hydrogène …)

Je suis contre l’usage fait de l’aérien ; à Chambéry, l’aéroport est utilisé pour amener les riches vers les stations de sport d’hiver. Il sert 4 mois dans l’année. Des subventions sont données par le département qui a une convention avec l’aéroport. Donc les citoyens financent les sports d’hiver de riches.

Diaporama 2e partie par Laurence Boubet :

Quelles mesures pour réduire le trafic aérien ?

1- Taxer pour limiter la demande et financer la reconversion :

  • Une remise à plat de la fiscalité, augmentation de l’éco-contribution française sur les billets d’avion (proposé par le Convention Citoyenne pour le Climat-CCC), mise en place d’une taxe kérosène au niveau européen
  • L’aviation d’affaires doit être réglementée : elle émet deux fois plus de CO2 que les compagnies aériennes
  • une réglementation européenne pourrait imposer la décroissance de la consommation moyenne annuelle de carburant, pour tous les vols touchant le territoire européen

2- Focus sur la fermeture des lignes intérieures :

  • Proposition de loi Ruffin et aussi de la CCC d’interdire les trajets en avion vers des destinations accessibles en moins de 5 heures de train Rejeté en l’état, les discussions portent plutôt sur 2,5 h de train !
  • Ces mesures sont difficiles à mettre en œuvre et présentent des effets pervers : reprise de lignes fermées par des opérateurs low-cost, transfert du trafic au départ d’aéroports à l’étranger. Cela nécessite des mesures d’accompagnement (interdire la reprise des lignes supprimées / supprimer les créneaux à Orly).
  • Il faut noter le faible impact des vols intérieurs sur l’empreinte carbone et que si le chiffre de 2,5 h est retenu, les vols seront peu impactés. Néanmoins, la mesure serait emblématique y compris sur un plan culturel : casser la représentation de l’avion comme mode de transport de proximité.
  • Fin septembre a eu lieu une réunion entre 30 représentants de l’aérien et quelques membres de la CCC. La direction générale de l’aviation civile a opéré un véritable lobbying pour expliquer par exemple qu’une écotaxe aurait un impact négatif sur l’emploi avec un risque de suppression de 15000 emplois.

3- Organiser le secteur aérien dans son ensemble pour permettre son évolution

  • pôle public de transports regroupant les compagnies françaises (Air France, Hop !, Transavia, Air Caraïbe, Corsair, Air Tahiti Nui, etc.) dans un grand groupe public, réintégrer les sous-traitants (bagagistes, ...) dans ce groupe avec une gouvernance élargie aux salariés, mais aussi aux citoyens et aux ONG,
  • donner aux entreprises du secteur aéronautique (Airbus, Safran,...) le statut d’entreprises "à mission" (loi Pacte),
  • mettre fin au modèle des compagnies à bas coûts : supprimer les subventions des collectivités locales aux compagnies pour obtenir la desserte de leur aéroport, supprimer les exonérations de taxes pendant les trois premières années, mettre fin au dumping social, interdire l’implantation des compagnies dans les paradis fiscaux (Irlande, Jersey), obtenir la clarté sur leurs comptes.

4- Comment agir ?

  • diffuser, expliquer, sensibiliser : travail d’explication, faire réfléchir à sa propre utilisation du transport aérien, à son propre rapport au voyage. Le transport aérien est devenu un marqueur social (aller un WE à Prague comme avoir le dernier iphone …)
  • participer aux enquêtes publiques et pétitions (extension des aéroports, terminal 4 à CDG, Marseille ...)
  • soutenir les organisations de salariés qui avancent des propositions.
    Proposition de Ruffin-Batho : attribuer un quota de kms d’avion par personne ? Égalité pour tout le monde.
  • participer aux réflexions sur les mesures nécessaires avec les autres organisations : CCC, Stay Grounded (EU), RAC, Alternatiba
  • agir avec les autres organisations : marches du 3 octobre, etc...

Questions

  • Geneviève - interdire les vols de nuit serait une bonne chose pour les salariés et les riverains. C’est quelque chose qui pourrait être obtenu. Les CL concernés pourraient s’en emparer ?
    => En fait il y a très peu de vols de nuit hormis la postale et quelques vols internationaux
  • Nelly - continuer à revendiquer une limite d’accessibilité en 5h au lieu de 2,5h pour obliger un voyage en train
  • Elodie - A Rennes, un agrandissement de l’aéroport est prévu suite à l’abandon de NDDL.
    Le CL souhaite travailler avec d’autres organisations sur ce sujet. Comment agir, auprès de qui ?
    => Dominique - C’est pareil à Marseille où il est prévu un agrandissement des terminaux de 20000 m²..On s’est appuyés sur l’argumentaire d’Attac et des contributions pertinentes qui avaient été inscrites lors de l’enquête publique qui s’est terminée en octobre. Contacter Pierre à Nice qui a travaillé sur l’agrandissement de l’aéroport de Nice.
  • Pierre – La mono-industrie aéronautique n’est plus souhaitable comme à Toulouse, le transport aérien ne va plus croître, plutôt se stabiliser.
    => Dominique – Dossier dans le Lignes d’Attac prochain : à quoi sert le transport aérien ? Repenser le voyage. Droit à la mobilité à réfléchir. Utilité du transport aérien.
  • Jipé – Remettre en question nos besoins de déplacement. Les projets ferroviaires sont faramineux et ne tiennent pas forcément compte des besoins des salariés pour aller au travail. Développement de LGV, projet hyperloop au lieu d’améliorer les TER, la ligne Paris-Toulouse en train par ex.