La justice fiscale version Rassemblement National. Tout un programme

, par Équipe de l’Observatoire

Souvent avare de propositions claires dès qu’il ne s’agit pas de thèmes liés à l’immigration, le Rassemblement National (RN) a publié récemment un tract exigeant "la paix fiscale", une prise de position qui s’inscrit dans un discours ultralibéral assez classique.

On commence par une accusation de « nouveau coup d’accélérateur à sa politique de matraquage fiscal », puisque « En un an seulement, les prix du carburant ont connu une hausse spectaculaire de près de 17% ». Ce que le tract semble oublier, c’est que la hausse des prix de l’énergie est liée à la tension sur les marchés internationaux, et non à une hausse de la fiscalité.

Des propositions originales... ou pas

Le RN veut être un parti de gouvernement. La preuve, ses propositions sont visiblement inspirées par les mêmes théoriciens libéraux qui conseillent les gouvernements des pays occidentaux depuis une cinquantaine d’années. Les propositions sont articulées autour du postulat assez classique : moins d’impôts pour plus de pouvoir d’achat. 

Afin de donner une couleur sociale à son programme, le parti de Marine Le Pen propose de baisser « immédiatement de 5% les tarifs de l’électricité et du gaz ». Cette mesure est pourtant ensevelie sous les propositions toutes plus libérales les unes que les autres, à commencer par une réforme de la fiscalité sur les successions et les donations pour « faciliter le lien entre les générations ». Outre le fait que cela abaisserait encore les moyens de l’Etat, cette proposition ne favoriserait que les foyers les plus aisés - les plus pauvres ayant peu voire pas de patrimoine à transmettre. Rappelons tout de même qu’il existe actuellement un abattement de 100 000 € sur les successions de parent à enfant. Diminution des moyens de l’Etat, favorisation des plus riches… rien de bien nouveau sous le soleil…

La cerise sur le gâteau 

La véritable nouveauté intervient avec la proposition de « dotation en fonds propres égale à son apport et exonération totale d’Impôt sur les Sociétés (IS) et d’Impôt sur les Revenus (IR) pendant 5 ans » destinée aux personnes de moins de 30 ans créant leur entreprise. La proposition est limpide : plus votre apport est important – donc plus vous avez d’argent - plus on vous en donne. Le principe d’une dotation égale à l’apport favoriserait ainsi mécaniquement les plus aisé.es. Pis encore, il n’est pas prévu de contrepartie ni d’engagement (social, environnemental...). Finalement, le RN propose simplement de signer des chèques en blanc à toute personne créant une société, et ce sans aucun regard sur la pertinence de l’entreprise créée, ou de celle de son modèle économique.
 
Mais comme cela ne semblait pas suffisant, la proposition est également agrémentée d’une exonération d’IS et d’IR – alors qu’il existe pourtant déjà nombre de dispositifs de réduction ou d’exonération fiscale temporaire (comme pour les Jeunes Entreprises Innovantes), sensés stimuler la création d’entreprises.

Là où le RN innove, c’est en proposant l’exonération totale d’IR. On sent la marque de la pensée ultra libérale où il faut récompenser les créations d’entreprises à tout prix, même si la création d’une société n’est pas en soi utile – notamment si elle n’a pas d’activité productive ni ne crée d’emplois. Enfin, une exonération d’IR ne peut intéresser que les plus riches – puisque plus de la moitié des ménages ne sont pas imposables.

Le retour aux classiques

Le tract s’achève avec les sempiternelles dénonciations de l’immigration, du « millefeuille administratif », ainsi que des « subventions considérables versées à l’Union européenne ». Le RN en profite pour dénoncer fraude fiscale et fraude sociale… même si les deux n’ont pas de commune mesure.

Finalement, on constate que la philosophie du Rassemblement National en termes de fiscalité diffère assez peu de celle du gouvernement actuel. Contrairement à ce qu’elle veut faire croire, Marine Le Pen ne serait qu’une autre présidente des riches, et ses tentatives de séduction de l’électorat populaire créent une fois de plus des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…). Pourtant, selon un rapport récent sur les « Perspectives migratoires internationales » (2021) de l’OCDE : « Dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation ».